L’interdiction des écrans en crèche : un enjeu de santé publique et de développement de l’enfant
- alexiatsa
- 2 juil.
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Depuis quelques années, la question de l’exposition des jeunes enfants aux écrans (télévision, tablettes, smartphones) suscite une inquiétude croissante. En réponse, plusieurs pays, dont la France, ont engagé des mesures visant à restreindre, voire interdire, l’usage des écrans dans les lieux d’accueil de la petite enfance, notamment les crèches. Cette interdiction soulève des questions fondamentales sur le développement de l’enfant, le rôle des professionnels de la petite enfance et les responsabilités sociétales face aux nouvelles technologies.
Une mesure justifiée par les données scientifiques
De nombreuses études en neurosciences et en psychologie du développement ont démontré les effets néfastes d’une exposition précoce et excessive aux écrans. Avant 3 ans, le cerveau de l’enfant est en plein développement : les interactions humaines, les jeux physiques, le langage, et les expériences sensorielles réelles sont essentiels pour le bon développement cognitif, affectif et social.
Les écrans, en revanche, ont tendance à capter l’attention de manière passive, au détriment des échanges humains. Ils peuvent ralentir l’acquisition du langage, nuire à la qualité du sommeil, et limiter la motricité et l’attention. Le rapport de l’OMS préconise d’ailleurs l’absence totale d’écran pour les enfants de moins de 2 ans, et un usage très limité et encadré au-delà.
Précision législative et rôle de Catherine Vautrin
Le 2 juillet 2025, la ministre de la Santé et des Solidarités, Catherine Vautrin, a promulgué un arrêté inscrit au Journal officiel qui rend désormais formelle l’interdiction d’exposer un enfant de moins de 3 ans à un écran (smartphone, tablette, ordinateur, télévision) dans tous les lieux d’accueil collectif tels que crèches, micro-crèches et haltes‑garderies. Cette disposition complète la charte nationale pour l’accueil du jeune enfant.
Dès le 3 juillet 2025, l’interdiction est effective : il est désormais strictement interdit d’exposer les tout‑petits aux écrans dans les structures d’accueil. Catherine Vautrin a justifié cette mesure forte comme un "bandeau sanitaire entre les écrans et les enfants", affirmant vouloir insuffler une norme sociale, comme cela a été fait avec l’interdiction de la fessée. Elle a aussi évoqué la possibilité d’étendre un jour cette norme au domicile, en misant sur une évolution des comportements et des repères éducatifs collectifs.
Le cas particulier des tablettes de transmission
Une exception soulève toutefois le débat : l’usage des tablettes numériques par les professionnels pour la transmission des informations aux familles. Ces outils permettent de noter en temps réel les repas, les siestes, les soins ou les activités de l’enfant, et facilitent le lien avec les parents. Toutefois, leur utilisation doit rester strictement professionnelle et discrète. Il est essentiel que les enfants ne soient pas exposés à ces outils ni distraits par leur présence. Les équipes doivent veiller à ce que ces supports n’interfèrent pas avec les interactions éducatives, et privilégier un usage en dehors de la présence directe des enfants. Ainsi, la tablette peut être un outil fonctionnel, à condition d’être utilisée avec discernement, dans le respect du cadre protecteur souhaité.
Un cadre réglementaire en évolution
L’arrêté porté par Catherine Vautrin renforce un mouvement déjà amorcé dans plusieurs collectivités. Dès 2021, la ville de Lyon, par exemple, avait interdit l’usage des écrans dans ses crèches municipales. Plus largement, la loi n° 2019‑791 pour une école de la confiance, combinée à la charte nationale de l’accueil du jeune enfant, posait déjà les bases d’une prévention renforcée de l’exposition numérique chez les tout-petits.
Cette interdiction concerne aussi bien les enfants que les professionnels : pas de dessins animés pour "occuper" les tout‑petits, pas de tablettes comme outils pédagogiques, pas de téléphone portable utilisé devant les enfants. Le but est de garantir un environnement de stimulation réelle et de présence attentive.
Des crèches plus humaines et interactives
Sans écrans, les professionnels sont encouragés à privilégier les activités basées sur la motricité libre, le jeu symbolique, la lecture d’albums jeunesse, et les interactions verbales et affectives. Ces pratiques favorisent le lien d’attachement, le développement du langage, et l’autonomie des enfants.
Les parents sont aussi sensibilisés : des ateliers et des supports d’information leur expliquent les effets des écrans et les encouragent à adopter une posture cohérente à la maison.
Vers une culture commune de la déconnexion précoce
Interdire les écrans en crèche, c’est affirmer un choix éducatif clair : protéger les jeunes enfants d’un environnement numérique omniprésent et souvent inadapté. C’est aussi soutenir les professionnels dans leur rôle fondamental d’éveil, d’observation et d’accompagnement bienveillant.
Dans un monde où les écrans sont partout, offrir un espace sans technologie aux plus petits, c’est leur donner une chance de grandir dans un environnement riche, vivant, et pleinement humain.
Et les assistantes maternelles ?
Les assistantes maternelles (ou assistants maternels), qui accueillent les enfants à leur domicile ou en Maison d’Assistantes Maternelles (MAM), ne sont pas visées directement par l’arrêté ministériel du 2 juillet 2025. Cela signifie que :
Il n’existe pas encore de loi interdisant les écrans chez elles.
Mais elles sont encouragées à suivre les mêmes recommandations que les crèches : pas d’écran en présence des enfants, y compris de manière passive (TV allumée en fond sonore, usage du téléphone personnel, etc.).
La charte nationale de l’accueil du jeune enfant, que peuvent volontairement signer les assistantes maternelles, va dans ce sens.
Catherine Vautrin a d’ailleurs évoqué une volonté d’étendre cette "norme sociale" aux domiciles, dans un second temps, en sensibilisant les familles et les pros individuels.
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